Au programme de la journée
Suivi du glacier de Gébroulaz (Antoine Rabatel – IGE1) : Sentinelle de l’évolution du climat, les scientifiques suivent de façon approfondie quelques glaciers dans le monde dont celui de Gébroulaz et selon différentes approches.
• Modélisation du volume des glaciers et perspectives d’évolution (Antoine Rabatel – IGE) : Les modèles de bilans de masse et de dynamique glaciaire permettent de suivre l’évolution des glaciers. Ainsi, par exemple, en suivant la tendance de la perte moyenne de la période 2010 – 2020, le déficit en 2050 sera de 65% du volume sur l’ensemble des glaciers de la Vanoise !
• Apport des études sur Gébroulaz à la modélisation hydrologique (Matthieu Le Lay, EDF). Un partenariat IGE/EDF pour déterminer l’évolution du glacier et sa contribution future en ressource en eau, en lien avec la résilience au changement climatique des projets de production hydroélectrique. Le recul du glacier va progressivement réduire sa contribution en eau au Doron des Allues, qui est majoritaire en été avec une baisse possible d’environ 70% des débits d’étiage2 d’ici la fin du siècle.
• Contribution des glaciers au débit des rivières (Vanoise et bassin du Rhône). Modèle conceptuel « J2000 » (Olivier Champagne - INRAE). Le débit annuel devrait baisser (de plus de 30%) d’ici la fin du 21ème siècle sur les bassins hydrologiques entourant la Vanoise, en raison d’une baisse des précipitations et de la disparition de la contribution des glaciers avec un fort changement de saisonnalité (une probable augmentation des débits hivernaux mais une forte baisse des débits estivaux).
• Modélisation des stocks de neige au printemps (Théo Rétif - Centre d’études spatiales de la biosphère (CESBIO)). Afin de mieux anticiper la gestion de l’eau par les usagers de nos territoires de montagne et préserver les équilibres nature – activités humaines, le CESBIO travaille avec le PNV et l’ensemble des parcs franco-italiens membre du projet ACLIMO3. Il utilise un modèle qui permet d’estimer annuellement l’équivalent en eau du manteau neigeux. Cette méthode est basée sur les images satellitaires et la mesure de la hauteur de neige sur 20 stations. Des résultats sont en cours d’analyse et une mise en application est prévue dès 2026.
• Actions PNV 2025 dans le cadre de l’année des glaciers (Florian Maurer – PNV). L’année a été riche de nombreux évènements en lien avec les glaciers : Animations, conférences, expositions…
• Risques naturels d’origine glaciaire et péri-glaciaire : levée de doute à l’échelle des Alpes et illustration sur lac du Grand Marchet à Pralognan (François-Luc Cimelière - ONF-RTM4). Les risques d’origine glaciaire et périglaciaire (ROGP) sont analysés sous 4 types de formes : les glaciers, les lacs, les parois rocheuses « gelées » et les glaciers rocheux. La procédure de levée de doutes a permis d’identifier 365 bassins concernés par les ROGP dans les Alpes sur 615, avec différents indices de susceptibilité. Cette procédure a conduit à une analyse plus précise du lac du Grand Marchet (Pralognan), confronté à un risque élevé de vidange brutale du lac glaciaire. Des travaux de vidange contrôlée se sont imposés par la suite.
• Projet « Ice&Life5 » : biodiversité des écosystèmes post-glaciaires, et occupation des sols libérés par les glaciers (Jean-Baptiste Bosson et Adrien Guérou - Marge Sauvage6 et USMB7). Projet de cartographies des habitats en zones proglaciaires à l’échelle des Alpes Européennes. Depuis le petit âge glaciaire (1850) dans le massif de la Vanoise, les glaciers ont perdu 73% de leur surface. Sur ces espaces libérés de glace, différents milieux se développent progressivement : sols nus, végétation et eau. Cette cartographie recense aussi certaines activités humaines (stations de ski, hydroélectricité…). Ce travail s’inscrit plus largement dans le projet Ice&Life, associant l’amélioration des connaissances sur les écosystèmes postglaciaires avec des démarches réactive et proactive dans les territoires.
• Entre Alpes (Gébroulaz) et Andes : dynamiques des écosystèmes postglaciaires et enjeux de gestion (Anaïs Zimmer). Différents modes de dispersion permettent aux végétaux de coloniser les écosystèmes postglaciaires. Des études ont été réalisés sur Gébroulaz et d’autres massifs montagneux pour comprendre ce qui limite cette dispersion mais aussi ce qui peut la faciliter, comme les interactions de facilitation entres espèces végétales ou la présence de faune.
• Protection forte des glaciers : état des lieux en Savoie (Baptiste Pretet et Stéphane Morel - DDT 73). L’Action 11 de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) vise à renforcer la protection des écosystèmes glaciaires et émergents du retrait glaciaire. La DDT recense aujourd’hui toutes les données disponibles sur ces écosystèmes afin de dégager des sites prioritaires pour engager une concertation avec les collectivités.
Un constat sans appel et partagés par tous : les glaciers sont amenés à régresser fortement voire disparaitre durant le siècle en cours. Et pourtant les glaciers sont un maillon essentiel pour le vivant et pour les activités humaines.
S’il est trop tard pour sauver une grande partie de la glace dans les Alpes, il n’est pas trop tard pour sauver une immense partie des masses de glaces dans le monde en atténuant le changement climatique. Et il est encore temps de protéger les écosystèmes pionniers qui succèdent à la glace, derniers espaces sauvages dans nos montagnes.
Après ces passionnantes interventions, la journée s’est terminée par une table ronde associant les différents interlocuteurs (DDT, Marge sauvage, IGE, RTM, PNV). Ce fut un moment pour échanger au sujet du rôle que chacun de ces acteurs pouvait jouer dans la démarche de protection forte des glaciers.
Nous remercions les scientifiques qui ont présenté leurs travaux ainsi que Solène Dargaud, facilitatrice graphique pour sa restitution graphique de la journée. Elle a su retranscrire fidèlement et de façon pédagogique les différentes interventions. Les illustrations de cette actualité sont issues de son travail. Vous pouvez retrouver l’intégralité de ses illustrations ici :
La science n’est pas une opinion.
Elle est essentielle pour éclairer les acteurs publics et privés dans leurs choix.
1 - IGE : Institut des géosciences de l’environnement, rattaché à l’Université de Grenoble-Alpes (UGA)
2 – Débit d’étiage : Débit minimum d'un cours d'eau calculé sur un pas de temps donné en période de basses eaux
4 – ONF-RTM : Office national des forêts- Restauration des terrains en montane
5 – Ice&Life : https://www.iceandlife.com/
6 – Marge sauvage : https://margesauvage.org/
7 – USMB : Université Savoie Mont-Blanc
