Signée pour la période 2021-2024, entre les communes des Allues, de Courchevel, des Belleville, les quatre stations de ski des 3 Vallées (Société des 3 Vallées, Méribel Alpine, SETAM, SEVABEL), l’Office national des forêts, l’Office français de la biodiversité, la Fédération de chasse de Savoie, l’association Aetos et le Parc national de la Vanoise, la convention a renforcé un partenariat existant depuis 2017.
L’objectif partagé était de mieux comprendre les impacts des domaines skiables sur l’avifaune montagnarde, avec un focus particulier sur le tétras-lyre et d’autres espèces emblématiques telles que le lagopède alpin, la perdrix bartavelle et l’aigle royal.
Un nombre important d'oiseaux suivis
Les études réalisées, qui ont nécessité de relever certains défis technologiques, ont permis de mieux connaître le comportement des espèces : utilisation du territoire tout au long de l’année, causes de mortalité, notamment percussion avec les câbles, habitats de reproduction, de nourrissage... Un financement de 141 000 € par les domaines skiables et les communes a permis de fournir du matériel et des prestations scientifiques, les autres partenaires ayant contribué essentiellement par du temps agents. En intégrant science et gestion, cette démarche novatrice fait aujourd’hui des 3 Vallées un site de référence pour la recherche sur les interactions entre biodiversité et activités humaines.
Au total, pas moins de 206 tétras-lyres ont été équipés (83 aux Belleville, 103 aux Allues, 20 à Courchevel, et ce en 8 ans sur les 2 conventions), 30 lagopèdes alpins, 16 perdrix bartavelles, 10 aigles royaux ; Chaque oiseau a été équipé d’une balise GPS afin de permettre un suivi fin de ses déplacements via une base de données.
Des pistes concrètes d'action pour les domaines skiables
Ces travaux offrent aujourd’hui des pistes concrètes pour mieux concilier préservation de la biodiversité et pratiques touristiques. Parmi les actions retenues, on notera :
Favoriser de nombreux petits refuges de tranquillité au sein des domaines skiables, avec des habitats semi-boisés.
Réduire le nombre d’infrastructures les plus dangereuses (ex. câbles Catex).
Prévoir un calendrier d’activités humaines respectant les périodes sensibles (reproduction, couvaison).
Au vu du bilan, les partenaires souhaitent d’ores et déjà poursuivre la collaboration, en mettant notamment l’accent sur le suivi des femelles et l’observation de la reproduction estivale. Un autre axe de travail porterait sur le développement des connaissances sur les trajectoires de vol des oiseaux afin d’améliorer l’efficacité des dispositifs de visualisation des câbles de remontées mécaniques contre les risques de percussion.
Des connexions seront également intéressantes à développer avec d’autres projets en cours dont le projet Faune habitat 3 Vallées (Infacthem) axé sur cerf et le renard, et le suivi d’une espèce mal connue, la gélinotte des bois, pour une meilleure compréhension écosystémique de la montagne dans des zones fréquentées pour les activités humaines.
Enfin, la collaboration renforcée à l’œuvre avec les acteurs locaux durant cette convention 2021-2024 permettra d’affiner la prochaine convention afin d’optimiser encore l’efficacité des actions, conciliant au mieux respect de la biodiversité et pratiques de loisirs.
Ce que nous apprennent les suivis des oiseaux
Comportement et habitat
Tétras-lyre
Les domaines skiables recoupent 30 % de son domaine vital dans les Alpes (1700-2200 m d’altitude)
Étude des stratégies d’évitement du dérangement : la grande majorité des oiseaux restent dans les domaines skiables en hiver.
Deux périodes d’activité, au lever et au coucher du soleil, confirmées par pièges photos. Pas d’influence de la présence humaine sur ces périodes d’activité.
Habitats préférés en hiver : futaies résineuses. Les mâles dominants fréquentent quotidiennement leur place de chant.
Fluctuations des populations de coqs chanteurs dans la vallée de Méribel (50 à 80 selon les années).
Lagopède alpin
Importance des regroupements estivaux (ex. Val Thorens).
Les secteurs utilisés l’hiver et l’été ne sont pas les mêmes. Les conditions thermiques dictent ces déplacements saisonniers.
Perdrix bartavelle
Déplacements saisonniers importants (Val d’Isère, Val-Cenis, Moûtiers, Bozel).
Aigle royal
Mortalité due à des collisions avec des câbles.
Territoires plus petits que ce que pensaient les experts, forte territorialité des adultes.
Causes de mortalité
Collisions avec les infrastructures
Percussions fréquentes avec les câbles, particulièrement l’été.
Analyse des densités de câbles : 2 km/km² aux Arcs, 1 km/km² dans les 3 Vallées.
Mortalité additionnelle liée aux infrastructures souvent sous-estimée : les prédateurs récupèrent rapidement les oiseaux ayant percuté un câble, ce qui peut laisser penser que ces oiseaux ont été prédatés.
Prédation
Principalement au printemps et en été, équilibre entre rapaces (autour des palombes…) et carnivores (renard…).
Reproduction
Tétras-lyre
Études sur 22 femelles, 27 nids suivis en 2024.
Succès reproducteur très faible (7 nids éclos seulement et 2 prédations complètes des nichées dans les 10 premiers jours après l’éclosion) notamment en lien avec une météo humide (2024).
Des nids parfois situés à proximité immédiate d’activités humaines (sentier VTT, piste pastorale).
Comment sont réalisés les suivis ?
Suivi satellitaire
206 tétras-lyres suivis. En été, proportion croissante de femelles capturées
Mesure de la survie annuelle : 53 % en moyenne, mortalité liée à la prédation (avec impact plus fort sur les femelles en lien avec la reproduction), à la chasse et aux collisions.
Les traces GPS permettent de détecter rapidement la mort de l’oiseau équipé, et d’identifier sur place les causes de cette mortalité.
Cartographie des habitats
Utilisation de la cartographie 3D de l’Institut national de l’information géographique et forestière (LIDAR) et des données Strava (application de pratiquants d’activités de pleine de nature) pour croiser habitats favorables et fréquentation humaine.
Pièges photos
Pour la vérification du respect des zones de tranquillité.